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8.1.1 Caractérisation du trafic

Une classification simple des techniques d'analyse du trafic différencie les systèmes à perte et les systèmes à délai. Dans un système à perte, une tentative d'appel survenant lors d'une congestion est ignorée. Un système à délai mémorise les appels excédentaires dans une queue jusqu'à la libération d'une ressource.

Une communication téléphonique nécessite l'établissement d'un circuit. Un circuit est un chemin de commutation fixe pour la totalité de la durée de la communication. Il doit être établi, maintenu et relâché en fin de communication. L'établissement et le relâchement de la communication s'effectuent au moyen de signaux de signalisation. La gestion du trafic téléphonique se fait généralement par un système à perte8.1.

Contrairement à une communication téléphonique, les données (Internet, ...) sont envoyées par un mécanisme de transmission par paquets. Les routeurs, centres de commutation pour les paquets d'information Internet, gèrent une mémoire limitée, organisée en plusieurs queues. La gestion de ces queues est complexe et elle introduit un délai aléatoire de transmission. Il arrive également qu'un routeur supprime certains paquets en raison d'un manque de ressources.

8.1.1.1 Intensité, trafic et charge: quelles mesures?

Un réseau téléphonique est constitué de deux types de lignes:

Pour le dimensionnement, on ne considère que les lignes transportant l'information des utilisateurs (à l'exclusion des lignes utilisées par exemple pour la gestion du réseau ou la signalisation). On supposera disposer d'un faisceau à N canaux entre deux commutateurs (cf. figure 8.2). Le dimensionnement consiste à trouver une relation entre la charge du réseau et la probabilité de congestion.

Figure 8.2: Faisceau entre deux commutateurs.
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La nature aléatoire du trafic s'exprime par le biais de deux processus stochastiques: les tentatives d'appel et le temps de communication. On suppose habituellement qu'une tentative d'appel d'un utilisateur est indépendante de toute tentative d'un autre utilisateur. Dès lors, le nombre de tentatives d'appel pendant tout intervalle de temps est indéterminé. Dans la majorité des cas, le temps de communication est également aléatoire. Aussi, la charge de trafic d'un réseau est fonction de la fréquence des appels et du temps moyen de communication. La figure 8.3 montre le profil d'activité d'un faisceau composé de 5 lignes.

Figure 8.3: Profil d'activité d'un faisceau composé de 5 lignes.
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Pour mesurer la capacité du faisceau, on pourrait prendre le volume de trafic écoulé pendant la période d'observation; il s'agirait dans ce cas de l'intégrale du nombre de communications instantanées, tel que représenté à la figure 8.3. En pratique, on préfère utiliser la notion d'intensité de trafic.

Définition 25   [Intensité du trafic écoulé] L'intensité du trafic écoulé I est le rapport entre le volume du trafic observé et la période d'observation T .

En fait, l'intensité telle que définie ci-avant est un estimateur du trafic écoulé; en toute rigueur, il faudrait augmenter indéfiniment la période T pour éliminer tout ``effet de bord''. Soit T , la période d'observation8.2. La fonction indicatrice 1i(t) du circuit i vaut 1 si le circuit est utilisé au temps t ; elle vaut 0 sinon. Pour un faisceau de N circuits, l'intensité vaut alors

I = $\displaystyle {\frac{{\int_{0}^{T}\sum_{i=1}^{N}1_{i}(t)dt}}{{T}}}$ = $\displaystyle {\frac{{\sum_{i=1}^{N}\int_{0}^{T}1_{i}(t)dt}}{{T}}}$ (8.1)

L'intensité de trafic représente donc l'occupation moyenne du lien durant une certaine période. Bien que l'intensité soit adimensionnelle, comme l'expression d'un rapport entre deux temps, on parle d'ERLANG, noté [E] , du nom du théoricien Danois, père de la théorie. Remarquons que la capacité maximale d'un circuit est de 1 ERLANG. Dans un système à perte, la capacité n'excède jamais le nombre de circuits.

En pratique, on utilise deux paramètres importants pour caractériser le trafic:

  1. le taux moyen d'appels entrants $ \lambda_{{e}}^{}$ , mesuré en [appels/s] ,
  2. la durée moyenne d'un appel tm , en [s/appel] . Si #T représente le nombre d'appels effectués pendant l'intervalle de temps T , alors la durée moyenne vaut

    tm = $\displaystyle {\frac{{\sum_{i=1}^{N}\int_{0}^{T}1_{i}(t)dt}}{{\char93 _{T}}}}$ (8.2)

8.1.1.1.1 Charge.

Ces deux paramètres permettent de définir la charge.

Définition 26   [Charge de trafic écoulé] On définit la charge écoulée d'un faisceau, exprimée en ERLANG, comme le produit du taux d'appels entrants par la durée moyenne d'appel. On la note Ae .

Ae = $\displaystyle \lambda_{{e}}^{}$tm (8.3)

Il est important de remarquer que l'on exclut, dans la charge, la charge due à la signalisation. D'autre part, la charge, qui est une combinaison de deux paramètres moyens, ne fournit aucune information quant à une corrélation éventuelle entre le taux d'appel et la durée.


Exemple: l'analyse des appels d'une société révèle un taux d'appel de 40 appels par heure et une durée moyenne par appel de 5 minutes. La charge vaut donc

$\displaystyle {\frac{{40}}{{60}}}$ x 5 = $\displaystyle {\frac{{200}}{{60}}}$ = 3, 3 [E] (8.4)

ce qui signifie qu'il y a en moyenne 3,3 lignes occupées si la distribution est uniforme.

8.1.1.1.2 Charge de référence.

La charge maximale disponible sur un faisceau à N liens vaut théoriquement N . Elle correspond à une occupation permanente des canaux. En pratique, comme les appels ont lieu de manière aléatoire, il arrive que le faisceau soit congestionné, c'est-à-dire que les N liens soient occupés. La charge pratique est donc inférieure à N .

Lors de l'étude du trafic, il faut distinguer deux types de charge:

  1. la charge offerte, c'est la charge qui serait transportée par le réseau s'il pouvait honorer toutes les demandes de connexion.
  2. la charge écoulée; la charge réellement mesurée dans le réseau.
La charge offerte est utilisée dans la définition de la charge A .

Définition 27   La charge offerte A vaut

A = $\displaystyle \lambda$tm (8.5)

$ \lambda$ est le taux moyen de tentatives d'appels.

Par construction, la charge écoulée est inférieure à N . La charge offerte est théoriquement sans limite. La probabilité de rejet, notée B , s'écrira comme le quotient du nombre d'appels rejetés au nombre de tentatives n (ne est le nombre d'appels acceptés) dans tout intervalle de temps, par exemple la durée moyenne de communications. Ainsi,

B = $\displaystyle {\frac{{n-n_{e}}}{{n}}}$ = $\displaystyle {\frac{{A-A_{e}}}{{A}}}$ (8.6)

Le nombre de canaux nécessaire pour assurer une borne maximale à la probabilité de rejet d'un appel en raison d'une congestion momentanée est principalement une fonction de la charge maximale souhaitée par l'opérateur du réseau. Comme cette charge fluctue au cours du temps, il est d'usage de choisir une charge de référence pour une heure de pointe, représentant la charge à allouer par utilisateur. Par exemple, on considère que le probabilité qu'un utilisateur occupe une ligne en heure de pointe est de l'ordre de 0, 02 à 0, 1 . Cela revient à admettre que le réseau doit réserver une capacité A0 de 0, 02 à 0, 1 [E] par utilisateur. Dès lors, le nombre total d'utilisateurs ayant accès au réseau en heure de pointe, pour une probabilité de blocage fixée, vaut

M = $\displaystyle {\frac{{A}}{{A_{0}}}}$ (8.7)

Une dernière remarque s'impose. Lors du dimensionnement d'un réseau d'entreprise, il importe de tenir compte de plusieurs types de trafic. À défaut de renseignement statistique sur le trafic téléphonique d'une entreprise, on formule l'hypothèse suivante (valeurs statistiques admises par la profession, d'après [29, page 27]): le trafic d'un poste, à l'heure de pointe, est en moyenne considéré comme étant égal à 0, 12 [E] se répartissant comme suit:

  • 0,04 [E] en trafic sortant,
  • 0,04 [E] en trafic entrant,
  • 0,04 [E] en trafic interne à l'entreprise.



Notes

... perte8.1
Sauf pour les appels prioritaires pour lesquels le système libère les circuits nécessaires.
... d'observation8.2
Il s'agit typiquement d'une période de 15 minutes.

Marc Van Droogenbroeck. Tous droits réservés.
2007-10-27