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8.3.1 Modèle d'un système avec perte (sans mémoire): statistique d'ERLANG B

La statistique ERLANG B va nous permettre de déterminer la probabilité de tentative d'appels lors d'une congestion du réseau (probabilité que les N lignes du réseau soient occupées) en fonction de la charge et du nombre de lignes caractérisant le tronçon considéré.

Pour analyser la charge d'un réseau, il faut prendre en compte le nombre de tentatives d'appel, le nombre de connexions en cours et le nombre d'arrêts d'appel.

8.3.1.1 Nombre de tentatives d'appel

Le nombre de tentatives d'appel peut être vu comme un processus de dénombrement. Pendant l'intervalle de temps $ \triangle$t (intervalle de temps d'observation), le nombre de tentatives d'appel NA est donc une variable aléatoire de POISSON telle que

p(NA=n) = $\displaystyle {\frac{{(\lambda\triangle t)^{n}}}{{n!}}}$e-$\scriptstyle \lambda$$\scriptstyle \triangle$t,    n = 0, 1, ... (8.35)

$ \lambda$ représente le nombre moyen de tentatives par unité de temps.

8.3.1.2 Nombre d'arrêts d'appel (relâchements de ligne)

De même, le nombre d'arrêts ND pour un nombre d'arrêt moyen $ \eta$ par unité de temps vaut

p(ND=n) = $\displaystyle {\frac{{(\eta\triangle t)^{n}}}{{n!}}}$e-$\scriptstyle \eta$$\scriptstyle \triangle$t,    n = 0, 1, ... (8.36)

8.3.1.3 Charge

À tout moment, des tentatives d'appel et des arrêts peuvent avoir lieu sur la ligne; la charge fluctue donc entre 0 et N appels en cours. Pour un intervalle de temps très court dt , la probabilité d'avoir exactement une tentative d'appel (n = 1 ) vaut $ \lambda$dte-$\scriptstyle \lambda$dt $ \simeq$ $ \lambda$dt alors que la probabilité d'avoir un appel qui se termine vaut $ \eta$dte-$\scriptstyle \eta$dt $ \simeq$ $ \eta$dt .

Dès lors, à supposer que k lignes sur un total de N lignes soient occupées à l'instant t , on calcule respectivement trois probabilités sur un intervalle de temps dt

Elles valent respectivement

P1 = $\displaystyle \lambda$dt (8.37)

P2 = Ck1($\displaystyle \eta$dt)1(1 - $\displaystyle \eta$dt)k-1 $\displaystyle \simeq$ k$\displaystyle \eta$dt (8.38)

car on tient compte du fait que n'importe quelle ligne parmi les k lignes peut se libérer pendant l'intervalle de temps dt . Finalement, l'événement de statu quo se produit quand il n'y a pas de tentative d'appel et qu'aucune des k lignes occupées n'est sujet à un relâchement. Ainsi, la probabilité P3 est donnée par
P3 = (1 - $\displaystyle \lambda$dt)(1 - k$\displaystyle \eta$dt) (8.39)
  = 1 - $\displaystyle \lambda$dt - k$\displaystyle \eta$dt + k$\displaystyle \lambda$$\displaystyle \eta$(dt)2 (8.40)
  $\displaystyle \simeq$ 1 - $\displaystyle \lambda$dt - k$\displaystyle \eta$dt (8.41)

Définissons alors p(k;t + dt) comme la probabilité qu'il y ait k lignes occupées à l'instant t + dt . Il est alors possible de déterminer p(k;t + dt) en utilisant les probabilités P1P2 et P3
p(k;t + dt) = P3 p(k;t) + P1 p(k - 1;t) + P2 p(k + 1;t) (8.42)
  $\displaystyle \simeq$ (1 - $\displaystyle \lambda$dt - k$\displaystyle \eta$dtp(k;t) + $\displaystyle \lambda$dt p(k - 1;t) + (k + 1)$\displaystyle \eta$dt p(k + 1;t)  

Le premier terme correspond au fait qu'il y avait déjà k lignes occupées à l'instant t mais qu'aucune tentative d'appel ni d'arrêt n'ait eu lieu. Le deuxième terme correspond au fait qu'il y avait k - 1 lignes occupées à l'instant t mais qu'une tentative d'appel (dès lors réussie) ait eu lieu. Enfin, le dernier terme correspond au fait qu'il y avait k + 1 lignes occupées à l'instant t et qu'une ligne se soit libérée pendant l'intervalle de temps dt . Il existe cependant deux cas particuliers correspondant à k = 0 et k = N

p(0;t + dt) = (1 - $\displaystyle \lambda$dtp(0;t) + $\displaystyle \eta$dt p(1;t) (8.43)

représentant le cas où aucune ligne n'est occupée (il n'y a donc pas de possibilité de relâchement d'une ligne) et

p(N;t + dt) = (1 - $\displaystyle \lambda$dt - N$\displaystyle \eta$dtp(N;t) + $\displaystyle \lambda$dt p(N - 1;t) (8.44)

pour le cas où toutes les lignes sont occupées (une nouvelle tentative d'appel ne peut donc être générée).

En régime, on peut faire l'hypothèse que les probabilités ne sont pas fonction du temps et écrire

p(k;t + dt) = p(k;t) = Pk,              k = 0, 1, 2, ..., N (8.45)

L'équation de transition peut alors s'écrire

    Pk = (1 - $\displaystyle \lambda$dt - k$\displaystyle \eta$dtPk + $\displaystyle \lambda$dt Pk-1 + (k + 1)$\displaystyle \eta$dt Pk+1 (8.46)
$\displaystyle \Rightarrow$   0 = $\displaystyle \left[\vphantom{(-\lambda-k\eta)  P_{k}+\lambda  P_{k-1}+(k+1)\eta  P_{k+1}}\right.$(- $\displaystyle \lambda$ - k$\displaystyle \eta$Pk + $\displaystyle \lambda$ Pk-1 + (k + 1)$\displaystyle \eta$ Pk+1$\displaystyle \left.\vphantom{(-\lambda-k\eta)  P_{k}+\lambda  P_{k-1}+(k+1)\eta  P_{k+1}}\right]$ dt (8.47)
$\displaystyle \Rightarrow$   ($\displaystyle \lambda$ + k$\displaystyle \eta$Pk = $\displaystyle \lambda$ Pk-1 + (k + 1)$\displaystyle \eta$ Pk+1,     0 < k < N (8.48)

De même, les deux cas particuliers deviennent
    $\displaystyle \lambda$ P0 = $\displaystyle \eta$ P1,   k = 0 (8.49)
    ($\displaystyle \lambda$ + N$\displaystyle \eta$PN = $\displaystyle \lambda$ PN-1,   k = N (8.50)

De plus, les probabilités Pk doivent respecter la condition suivante

P0 + P1 + ... + PN = 1 (8.51)

On peut montrer [21] que l'expression de Pk vérifiant toutes ces conditions est donnée par

Pk = $\displaystyle {\frac{{\frac{(\lambda/\eta)^{k}}{k!}}}{{\sum_{i=0}^{N}\frac{(\lambda/\eta)^{i}}{i!}}}}$ (8.52)

Cette formule représente ainsi la probabilité d'avoir k lignes occupées. Elle est valable $ \forall$k $ \in$ [0, N] .

8.3.1.3.1 Formule d'ERLANG B.

L'état qui résulte d'une occupation de toutes les lignes est appelé congestion. Si un appel est rejeté en raison d'une occupation des N lignes, la probabilité de cet événement de blocage est celle de PN (k = N)

B = PN = $\displaystyle {\frac{{\frac{(\lambda/\eta)^{N}}{N!}}}{{\sum_{i=0}^{N}\frac{(\lambda/\eta)^{i}}{i!}}}}$ (8.53)

Cette expression de la probabilité de blocage est la formule dite d'ERLANG B.

Proposition 36   [Espérance de la loi la distribution d'ERLANG B] L'espérance des probabilités Pk fournit le nombre moyen de lignes occupées, c'est-à-dire la charge du trafic écoulé. Cette espérance vaut

E{k} = A(1 - B) (8.54)

Démonstration. En effet,

E{k} = $\displaystyle \sum_{{k=0}}^{{N}}$k$\displaystyle {\frac{{\frac{(\lambda/\eta)^{k}}{k!}}}{{\sum_{i=0}^{N}\frac{(\lambda/\eta)^{i}}{i!}}}}$ = $\displaystyle {\frac{{\lambda}}{{\eta}}}$$\displaystyle \sum_{{k=0}}^{{N-1}}$$\displaystyle {\frac{{\frac{(\lambda/\eta)^{k}}{k!}}}{{\sum_{i=0}^{N}\frac{(\lambda/\eta)^{i}}{i!}}}}$ = $\displaystyle {\frac{{\lambda}}{{\eta}}}$(1 - B) = A(1 - B) (8.55)

A est la charge offerte du faisceau et A(1 - B) la charge réelle. Dans la mesure où la probabilité de blocage est petite, l'occupation moyenne des N lignes est égale à $ {\frac{{\lambda}}{{\eta}}}$ .


La probabilité de blocage s'exprime donc par l'expression

B = PN = $\displaystyle {\frac{{\frac{A^{N}}{N!}}}{{\sum_{k=0}^{N}\frac{A^{k}}{k!}}}}$,    A = $\displaystyle {\frac{{\lambda}}{{\eta}}}$ (8.56)

8.3.1.3.2 Interprétation.

La probabilité de blocage augmente avec la charge A et décroît avec N , comme le montre graphiquement la figure 8.6. Pour une probabilité de blocage fixée, le rapport A/N (charge offerte à chaque utilisateur) est proportionnel au nombre de lignes N . Dès lors, la charge A , pour une probabilité de blocage fixée, augmente plus que proportionnellement en fonction du nombre de lignes N . Pour s'en convaincre, il suffit de regarder le tableau . Doubler la valeur de N de 10 à 20 entraîne la multiplication de A par 12/4, 5 = 2, 67 . Pour B = 1% , on observe un gain important en efficacité lorsque l'on passe de 10 à 20 lignes tandis que ce gain est nettement moins important lorsque l'on doit, pour une même probabilité de blocage, ajouter des lignes à un faisceau contenant déjà 50 à 60 lignes.

Figure 8.6: Loi de probabilité ERLANG B (d'après [21, page 271]).
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Tableau 8.1: Illustration des proportions pour B = 0, 01
N 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
A 4,5 12,0 20,3 29,0 37,9 46,9 56,1 65,4 74,7 84,1
$ {\frac{{A}}{{N}}}$ 0,45 0,60 0,68 0,73 0,76 0,78 0,80 0,82 0,83 0,84


8.3.1.3.3 Dimensionnement.

Le dimensionnement d'un faisceau téléphonique est réalisé en recherchant la charge maximale A (en ERLANG) qui peut être fournie lorsque désire maintenir la probabilité de blocage B en-dessous d'un certain seuil, par exemple B = 0, 01 ou 0, 02 , qui est une valeur typique pour le dimensionnement d'un faisceau dans un réseau. La formule d'ERLANG B est souvent utilisée dans ce but parce qu'elle est tabulée et facilement interprétable, bien qu'elle fournisse une valeur plus faible pour B que certaines formules établies à partir d'hypothèses autres quant au trafic. En effet, la formule d'ERLANG B ne tient pas compte du fait qu'une tentative d'appel ayant échoué peut être reconduite jusqu'à acceptation par le réseau.

Insistons sur le fait que la charge maximale ne représente pas la charge moyenne offerte à chaque utilisateur, mais une charge globale maximale.

8.3.1.3.4 Table.

Une table de la loi d'ERLANG B est donnée à la page [*]. Soit, par exemple, N = 20 et B = 0, 01 . À partir de la table, nous obtenons A = 12, 0 [E] . Si une charge A0 = 0, 03 [E] doit être offerte à chaque utilisateur en moyenne, le nombre d'utilisateurs doit être limité à M = A/A0 = 400 .

8.3.1.3.5 Tentatives et essais reconduits.

L'effet d'une tentative d'appel ayant échoué mais reconduite jusqu'à obtention d'une ligne peut être modélisé assez facilement. Appelons A' la charge réelle qui tient compte de la reconduite des tentatives échouées. On a

A' = A + AB + (AB)B + (AB2)B + ... = $\displaystyle {\frac{{A}}{{1-B}}}$ (8.57)

La table de la figure 8.2 peut être utilisée pour trouver A' . Il est important de noter qu'en principe le réseau doit être dimensionné pour cette charge A' et non pour la charge A . Alors A peut être obtenue par A = (1 - B)A' . Par exemple, pour B = 0, 02 et N = 30 , la table donne A = 21, 9 qui doit être vu comme la valeur de A' . La valeur de A est alors égale à (1 - 0, 02) x 21, 9 = 21, 5 . Si on désire offrir à chaque utilisateur une charge moyenne A0 = 0, 03 , on doit limiter le nombre d'utilisateurs à M = A/A0 = 715 , contre 730 lorsque qu'aucune tentative ayant échoué n'est reconduite.


Tableau 8.2: Tables de la loi d'ERLANG B.
  B   B
N 0,01 0,005 0,003 0,001 N 0,01 0,005 0,003 0,001
1 0,01 0,005 0,003 0,001 31 21,2 19,9 19,0 17,4
2 0,153 0,105 0,081 0,046 32 22,0 20,7 19,8 18,2
3 0,46 0,35 0,29 0,19 33 22,9 21,5 20,6 19,0
4 0,87 0,7 0,6 0,44 34 23,8 22,3 21,4 19,7
5 1,4 1,1 1,0 0,8 35 24,6 23,2 22,2 20,5
6 1,9 1,6 1,4 1,1 36 25,5 24,0 23,1 21,3
7 2,5 2,2 1,9 1,6 37 26,4 24,8 23,9 22,1
8 3,1 2,7 2,5 2,1 38 27,3 25,7 24,7 22,9
9 3,8 3,3 3,1 2,6 39 28,1 26,5 25,5 23,7
10 4,5 4,0 3,6 3,1 40 29,0 27,4 26,3 24,4
11 5,2 4,6 4,3 3,7 41 29,9 28,2 27,2 25,2
12 5,9 5,3 4,9 4,2 42 30,8 29,1 28,0 26,0
13 6,6 6,0 5,6 4,8 43 31,7 29,9 28,8 26,8
14 7,4 6,7 6,2 5,4 44 32,5 30,8 29,7 27,6
15 8,1 7,4 6,9 6,1 45 33,4 31,7 30,5 28,4
16 8,9 8,1 7,6 6,7 46 34,3 32,5 31,4 29,3
17 9,7 8,8 8,3 7,4 47 35,2 33,4 32,2 30,1
18 10,4 9,6 9,0 8,0 48 36,1 34,2 33,1 30,9
19 11,2 10,3 9,8 8,7 49 37,0 35,1 33,9 31,7
20 12,0 11,1 10,5 9,4 50 37,9 36,0 34,8 32,5
21 12,8 11,9 11,2 10,1 51 38,8 36,9 35,6 33,3
22 13,7 12,6 12,0 10,8 52 39,7 37,7 36,5 34,2
23 14,5 13,4 12,7 11,5 53 40,6 38,6 37,3 35,0
24 15,3 14,2 13,5 12,2 54 41,5 39,5 38,2 35,8
25 16,1 15,0 14,3 13,0 55 42,4 40,4 39,0 36,6
26 17,0 15,8 15,1 13,7 56 43,3 41,2 39,9 37,5
27 17,8 16,6 15,8 14,4 57 44,2 42,1 40,8 38,3
28 18,6 17,4 16,6 15,2 58 45,1 43,0 41,6 39,1
29 19,5 18,2 17,4 15,9 59 46,0 43,9 42,5 40,0
30 20,3 19,0 18,2 16,7 60 47,0 44,8 43,4 40,8



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2007-10-27